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Thomas Ledwidge
Je me permets de faire en premier lieu un rappel historique de la révision du POSEI.
Ce dossier remonte à l’adoption en mars 2013 du règlement POSEI, l’objet de ce nouveau règlement était d’aligner le POSEI avec certaines nouvelles dispositions horizontales de la PAC.
Cette révision était l’occasion d’obtenir des institutions communautaires une augmentation de 30% du plafond maximum de l’enveloppe POSEI pouvant être utilisée pour le RSA et une enveloppe « one shot » de 40 millions d’euros en faveur de la filière banane.
A cette occasion, la Commission avait, sous le leadership du Commissaire CIOLOS, alors Commissaire en charge de l’agriculture, introduit dans le nouveau règlement une clause de réexamen à l’article 35 du règlement. Cette clause était la suivante :
« La Commission procède au réexamen de ces dispositions avant la fin de l'année 2013, sur la base de leur efficacité globale et du nouveau cadre de la politique agricole commune, et présente, si nécessaire, des propositions appropriées de modification du régime POSEI. »
Les positions alors recueilles auprès de la Commission étaient déjà suffisamment préoccupantes pour qu’Eurodom engage une action de sensibilisation des ministères de l’Agriculture de la France, du Portugal et de l’Espagne, dès février 2013.
Ces préoccupations se sont justifiées, en avril 2013, lorsque nous avions eu accès à l’étude d’impact préparée par la Commission en amont de la consultation publique qu’elle est dans l’obligation de lancer avant tout réexamen d’un texte. De la lecture de l’étude d’impact, deux conclusions pouvaient être tirées :
- Le Commissaire entendait conduire cette réforme rapidement, le lancement de la consultation étant imminent, de sorte qu’une position de la Commission puisse être adoptée par le Collège des Commissaires avant son départ en 2014.
- La Commission remettait en cause la pertinence du maintien du soutien financier aux grandes productions d’exportation, soit la banane et la canne (et donc également le rhum et le sucre) et la pertinence du maintien du couplage des aides (acquis essentiel des RUP dans le cadre de la réforme de la PAC).
C’est au titre de ces inquiétudes très fortes qu’Eurodom a coordonné une action concertée de l’ensemble des filières des RUP, auprès du Commissaire CIOLOS et de son cabinet. Le résultat de cette mobilisation : le blocage du projet d’étude d’impact et l’annonce par le Commissaire CIOLOS d’une rencontre avec les élus locaux (Présidents de Région et Eurodéputés, le 7 mai) puis avec l’ensemble des filières agricoles des RUP (le 14 mai) ainsi que le lancement d’une consultation publique.
Lors de ces rencontres avec le Commissaire, il avait rappelé qu’une consultation publique serait organisée et il a également accepté de se rendre avec son cabinet dans certaines RUP, en particulier à La Réunion, mais aussi les Canaries où il a pu constater de visu la qualité des organisations agricoles des RUP.
Pour ce qui concerne la consultation POSEI, celle-ci s’est déroulée en octobre et novembre 2013.
La consultation avait pour objet de permettre aux parties prenantes au POSEI d’exprimer leur position sur ce dispositif, en vue de sa révision prochaine par la Commission.
Les filières agricoles des DOM avaient répondu à cette consultation de manière coordonnée avec :
-
Un constat partagé sur l’adaptation du POSEI aux besoins spécifiques de l’agriculture ultramarine.
-
Plusieurs propositions visant à améliorer le dispositif et le renforcer pour l’avenir.
La position commune adoptée par l’ensemble des filières agricoles et portée par EURODOM concerne plus particulièrement :
- une prise en compte plus importante de l’objectif de structuration des filières,
-la prise en compte des problématiques phytosanitaires auxquelles les RUP sont confrontées,
- la restructuration d’agriculteurs dans des filières en fortes difficultés,
- le maintien de la souplesse du POSEI,
- l’inclusion d’un volet innovation.
Il convient de souligner que, en annonçant l’interruption de la procédure de révision du POSEI, le Commissaire CIOLOS avait également indiqué que toute révision du POSEI passerait préalablement par une évaluation du dispositif par un prestataire extérieur.
A cet effet la Commission a donc lancé un appel d’offre public pour l’évaluation du POSEI, le 18 octobre 2014 et qui s’est clôturé le 8 décembre 2014.
Le cabinet ADE POLLEN Conseil a finalement été retenu en juin 2015 par la DG AGRI. Ce cabinet est connu pour avoir conduit des missions d’évaluation du POSEI pour les autorités françaises et pour être un prestataire récurrent de l’ODEADOM pour la rédaction des rapports annuels d’exécution du POSEI.
Le champ de cette évaluation inclut l’ensemble du POSEI - c'est-à-dire le RSA et les MFPA, au niveau communautaire et national - et traite de la cohérence du dispositif avec les autres instruments existants (notamment le développement rural et les aides d’Etat et couvre une période allant de l’entrée en vigueur du règlement POSEI du 31 janvier 2006 jusqu’à la fin de l’année 2014).
La livraison du projet de rapport final à la DG AGRI est prévue au début du mois de juillet prochain pour une remise officielle du document définitif à la DG AGRI, le 4 août.
Le Commissaire européen en charge de l’agriculture, Phil HOGAN, a déjà indiqué que cette évaluation et ses conclusions serviront de base au rapport général sur le POSEI que la Commission doit rendre au Parlement et au Conseil d’ici la fin de cette année.
Il convient de noter que ce rapport devait initialement, selon les dispositions de l’article 32.3 du règlement POSEI, être remis au plus tard le 30 juin 2015, c’est donc bien la décision de procéder à une évaluation préalable du dispositif POSEI qui rallonge les délais.
En fonction du constat dressé dans cette évaluation et des préconisations du cabinet d’étude, repris par la Commission dans son rapport au Parlement et au Conseil, la Commission pourrait ensuite décider de lancer une étude d’impact, étape préalable à toute nouvelle révision du POSEI, à partir de 2016. Cette nouvelle étape devrait prendre encore plusieurs mois. Selon ces éléments de calendrier, nous nous trouvons dans la perspective d’une publication d’une nouvelle proposition législative par la Commission européenne en 2017, voir plus selon la durée effective de l’étude d’impact, qui peut procéder selon des délais variables.
Ce report d’une éventuelle révision du POSEI constitue une bonne nouvelle pour nous. En effet, si une révision peut constituer une fenêtre de tir pour obtenir certaines améliorations du POSEI (particulièrement pour ce qui concerne la réévaluation du plafond du RSA), il convient de garder en mémoire la position des services de la Commission européenne lors de la première tentative de révision du POSEI en 2013, posant les premiers jalons d’une convergence, même limitée, avec les mécanismes de la PAC (le découplage et le verdissement notamment).