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Robert Sengel
Le dossier de la pêche est un dossier relativement nouveau concernant les interventions d’Eurodom.
Dans le dossier de la mise en œuvre des PCS (plans de compensation des surcoûts), on est parti d’un dossier qui était purement réunionnais (avec la création de l’interprofession ARIPA et ses financements propres) que nous avons cherché à étendre. Le dossier s’est également élargi aux aides à l’exportation (qui étaient à la fois applicables à La Réunion et en Guyane). Nous sommes donc passés à un projet nouveau s’appuyant sur un programme de financement pour tous les DOM.
De ce point de vue, la filière pêche a donc été une sorte de précurseur par rapport aux autres filières en intégrant un exercice d’harmonisation entre tous les DOM dans ce cadre commun. Cette notion d’harmonisation est un point qui devient de plus en plus important, à la fois au niveau de la Commission mais aussi au niveau des autorités nationales. Cette évolution nous demande un travail en amont de plus en plus conséquent.
De plus nous sommes passés d’un dispositif lié au POSEI agricole pour l’ARIPA à des financements issus du FEAMP, habituellement réservés aux aides à l’investissement. Pour les PCS il a fallu élargir ces aides au fonctionnement. Or, la gestion des aides à l’investissement n’est pas de la même nature pour les entreprises que la gestion d’aides au fonctionnement, notamment en termes de gestion de trésorerie. Les adaptations de ces mécanismes à ces nouvelles contraintes sont encore en cours d’ajustement.
C’est dans ce cadre nous avons travaillé depuis décembre 2014 pour instaurer des logiques d’harmonisations entre DOM ; cela nécessite des conférences téléphoniques permanentes. Il faut en permanence réunir les opérateurs pour que tout le monde puisse se parler et se comprendre par rapport à un enjeu collectif.
Je remercie le Parlement Européen qui nous a reçus dans le cadre d’une audition. Il a fallu préparer cet exercice pour que le discours des DOM soit un discours unitaire et que l’ensemble des difficultés mises en avant restent bien dans le cadre des difficultés liées aux surcoûts et à l’éloignement de nos territoires. Cette audition était nécessaire pour faire connaitre aux parlementaires nos difficultés, qu’ils ne connaissaient pas forcément par le détail.
Nous rencontrons aujourd’hui des difficultés spécifiques aux Réunionnais et aux Guyanais provoquant de graves ruptures de financement dans les entreprises ayant bénéficié de soutiens à l’export par le passé. Il se trouve que les financements qui avaient été octroyés à l’exportation des poissons de la Réunion ou de la Guyane les années précédentes ont été supprimés pour être remplacés par ceux du PCS. Or, les financements PCS ne peuvent être déployés que lorsque toutes les décisions réglementaires sont prises (à tous les étages de la fusée). Les financements dont ont bénéficié les opérateurs ont donc disparu sans être remplacés immédiatement (en attendant que l’ensemble des procédures du PCS soit finalisé). Les entreprises se retrouvent de ce fait en rupture de financement depuis plus de deux ans. Il était donc impératif pour nous d’intervenir pour vérifier comment on pouvait, le cas échéant, pallier ces ruptures de financement.
Nous devons de plus en plus prendre en considération ces risques car ils sont de plus en plus réels. Pour le secteur de la pêche nous sommes intervenus auprès des instances parisiennes, à Matignon notamment, pour trouver des relais des financements. Dans un premier temps des relais de financement de la BPI ont permis aux entreprises de patienter et éviter ainsi qu’elles ne ferment et ne mettent leurs salariés au chômage (sans raison économique réelle par rapport à l’environnement du marché).
Nous sommes aujourd’hui condamnés à agir en permanence à différents niveaux. Par le passé nous avions des interlocuteurs spécifiques, tant à Bruxelles qu’à Paris pour un dossier de ce type-là. Ce n’est plus le cas, aujourd’hui il faut agir à tous les niveaux dans le cadre de responsabilités déconcentrées. De ce fait, la question qui a été la plus posée ces derniers mois est celle de la sécurité juridique pour les bénéficiaires finaux, dans la mesure où les responsabilités sont déléguées au fur et à mesure dans les différentes strates d’instruction du dossier. Le risque pour le dernier opérateur concerné de se voir réclamer des remboursements d’aides n’est aujourd’hui pas clairement circonscrit. Nous n’avons eu de cesse d’alerter les autorités sur ce sujet.
La subsidiarité présente un aspect particulier dans la filière pêche. Il a été institué dans chaque territoire des DOM un instructeur local pour instruire les dossiers : pour la Guyane, Martinique, Guadeloupe se sont les Conseils Régionaux, et pour la Réunion et Mayotte se sont des services de l’État déconcentrés. Une structure miroir (la région Guadeloupe) est en charge de centraliser l’ensemble des opérations dans le cadre d’une harmonisation inter-DOM. Cette situation a abouti à une complication du dossier plutôt qu’à une simplification car il est aujourd’hui devenu difficile de savoir à quel niveau agir pour lever un blocage. Nous avons aujourd’hui des garanties. Il est urgent de pouvoir signer des conventions avec l’État pour le cas échéant trouver des préfinancements auprès des banques privées et éviter les situations de ruptures de financement qui sont toujours d’actualité vue la lenteur de la procédure en cours.
Dernier point sur lequel je voulais insister : nous avons obtenu le déplacement de parlementaires européens, venus se rendre compte sur place de la spécificité et des difficultés de la pêche domienne, notamment au regard de la pêche continentale. Je dois dire que nous avons eu un écho extrêmement favorable de ces parlementaires qui se sont rendus à La Réunion.
Le président Alain CADEC qui devait initialement présider la délégation n’ayant pu se rendre sur place, c'est Madame RODUST qui a présidé cette délégation. Suite à cette visite, la décision a été prise de rédiger un rapport d’initiative au sein du Parlement européen relatif à la modernisation et au renouvellement de la flotte des DOM. Cette dernière n’a en fait pas pu bénéficier d’aides dans ce sens pendant les décennies précédentes. Il est indispensable de rattraper ce retard, ce qui n’était pas possible dans le contexte actuel. Ce rapport d’initiative appelé de nos vœux permettra, je l’espère, de combler cette lacune.
Kirsten RUCKES, assistante parlementaire de Madame Ulrike RODUST, a pris la parole lors de l’Assemblée générale d’Eurodom, représentant ainsi sa députée afin de présenter le rapport d’initiative.
Je voudrais vous donner un aperçu du rapport d’initiative sur les régions ultra périphériques en cours de préparation, ayant pour thème la question des flottes de pêche dans ces régions. Je voudrais souligner que le rapport couvre toutes les RUP. Madame RODUST est rapporteur de ce rapport d’initiative et est donc responsable de l'initiative et du rapport.
Comme Monsieur le Député MANSCOUR l’a mentionné avant, le rapport d’initiative fait suite à la mission de la commission de la pêche du Parlement européen qui s’est déroulée à La Réunion en novembre 2015. Il a été demandé aux membres de la délégation d’élaborer un rapport d’initiative afin d’approfondir les questions abordées lors de ce déplacement et de donner des lignes directrices permettant à vos régions de mieux exploiter les ressources halieutiques.
Je voudrais maintenant vous parler du contenu de ce rapport. Tout d’abord, je voudrais souligner que, jusqu’à maintenant, le contenu n’est pas gravé dans le marbre. Actuellement, les enjeux sont les suivants :
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comparaison entre les spécificités et conditions pour la filière pêche métropolitaine et celle vos régions,
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impact des accords de partenariat avec les pays tiers sur les RUP,
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impact du changement climatique sur les pêcheurs de vos régions,
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étudier plus en détail comment l’article 349 TFUE doit être mieux utilisé en ce qui concerne le domaine de la pêche,
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analyser les bonnes pratiques de la politique agricole commune,
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analyser s’il est possible d’appliquer à la politique commune de la pêche,
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prévoir l’étude du secteur aquacole dans les RUP.
Je voudrais encore une fois souligner que ces éléments constituent les premières pistes pour commencer les travaux d'élaboration d'un premier document de travail d’ici à septembre 2016. Le contenu peut se voir encore modifier.
Concernant le format du rapport en lui-même, la première étape est le document de travail, la deuxième étape est le projet de rapport de Madame RODUST. Le projet de rapport est limité par une restriction de 6 000 caractères, et de 10 500 caractères d’exposé des motifs. Ensuite viendront les amendements des députés. Le rapport final n’a pas de restriction de caractère.
Concernant le calendrier, il y a un deuxième échange de vues le 15 juin à la commission de la pêche. Madame RODUST présentera le document de travail les 10 août et 11 octobre. Enfin, Monsieur le Député OMARJEE va participer à la commission pour l’avis. Le projet de rapport sera présenté fin janvier 2017 et le vote à la commission de la pêche aura lieu fin mars pour que le vote final en séance plénière puisse se faire en avril.
Nous avons besoin de diverses informations que vous pourrez nous fournir telles que :
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ce qui est arrivé depuis l’approbation du programme opérationnel,
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s’il existe des différences concernant les filières aquacoles au niveau des procédures d’autorisation d’exploitation des cultures marines,
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nous souhaiterions une contribution concernant les développements et la création d’un POSEI pêche à l’horizon 2020.
Saisissons l'opportunité de travailler ensemble afin de créer un rapport de qualité.
Réaction de Ludovic COURTOIS
Cela fait 27 mois que les opérateurs n'ont pas touché les traitements auxquels ils ont droit. En 2013, nous étions dans la même salle, madame DAMANAKI était présente. J’ai également posé la question des aides au fonctionnement qui allaient s'arrêter et l'absence de transition. Nous sommes dans un coma économique, le maintien en vie ne se fait que grâce à des emprunts bancaires, qui nous coûtent parfois beaucoup plus cher parce que nous passons par une banque publique d'investissement affiliée à l'État qui nous fait des tarifs exorbitants.
L'administration aura oublié au 30 novembre 2017 que le FEAMP n'était toujours pas opérationnel en juin ou juillet 2016. A cette date ils nous demanderont ce que nous, professionnels, nous avons fait pour ne pas consommer et perdre ainsi des crédits. Je pense que s’est un sujet qu'il faut que l'on porte, parce qu’eux, en 2017, n'oublieront pas et la Commission appliquera la règle.
Intervention d’Emmanuel DETTER
Nous sommes effectivement dans une période de transition. Nous sommes passés dans un système que nous appelions improprement le POSEI Pêche qui était le règlement 791/2007 et qui était une aide à la commercialisation dans les DOM. Seules la Guyane et la Réunion en bénéficiaient. Le 31 décembre 2013 ce règlement a été supprimé au profit d'un règlement FEAMP qui s'intéresse principalement aux questions d'investissement.
À l'époque, lorsque nous avons négocié avec la Commission, nous avons demandé une modification du règlement 791/2007 après de longs débats avec la Commission. L'essentiel de nos demandes a été accepté. En revanche celles qui consistaient à faire inscrire ces modifications en dehors du règlement 791/2007 ont été refusées, nous disant « vous devez accepter que nous mettions tout dans un seul règlement pour des questions de règlementation de politique publique ». Nous l'avons fait avec le soutien d'Alain CADEC à une seule condition : que la base du document du règlement soit modifiée en introduisant l'article 349 TFUE.
Aujourd'hui nous sommes dans une situation dans laquelle, s’il n'y avait pas eu les différents arbitrages de Matignon sur ce dossier, constant depuis trois ans pour pouvoir ré-ouvrir des lignes de crédit, 100% des pêcheurs de Guyane et de la Réunion qui ont bénéficié de ces crédits d'aide à la commercialisation auraient déposé le bilan. Je suis très heureux que le bureau de Madame RODUST ait cité, pour son rapport d’initiative, cette question du POSEI Pêche.
Nous sommes donc dans une situation dans laquelle il faudra se poser la question, à l'horizon 2020, de la mise en place d’un dispositif équivalent à celui que nous avons dans le FEAMP, mais pérenne, sur le même modèle que le POSEI. On modifiera quand il le faudra le règlement et une fois qu'il sera adopté, nous pourrons supprimer l'ancien. On ne peut pas se permettre une nouvelle fois en 2020 de dire aux pêcheurs d’attendre deux nouvelles années de négociations.
Monsieur le Député MANSCOUR, je pense que vous vouliez créer un groupe de travail avec le commissaire VELLA. C'est un sujet essentiel et il faut que ce groupe de travail se mette en place. Nous sommes à votre disposition pour alimenter les sujets de discussion de ce groupe de travail.